Chocs d'embouts de bribes en ribambelles : déclics, mic-macs de Jean-Marc SINGIER : une pièce contemporaine pour Ensemble
Ensemble
Formation : 1.1(ca).2(clB).1 / 1.1.2.1 / 3perc / pno / cel / hp / 1.1.2.2.1
Création
14/12/2001 - Centre Pompidou, Grande Salle - Paris - EIC, Rolf Gupta (direction)
Notice
La pièce commence par un roulement de timbale (sur un mib), une sorte de pulsation entre le silence et le son tenu de l'instrument. Au départ, je voulais faire des variations sur un matériau ténu, l'enrichir harmoniquement, y superposer de petits fragments mélodiques et les faire proliférer continûment...
Paradoxalement, le roulement réapparaît vers la fin du mouvement, comme dans la Symphonie n°103 (dite "Roulement de timbale") de Haydn, mais sans recherche aucune de l'effet formel, et sans que cela ait été prémédité. Un clin d'oeil au vieux maître... ? Une ré-exposition "variée" dans un discours qui, a priori, avait été pensé linéairement ? (...)
En fait, c'est quelque chose de nouveau pour moi, dans la mesure où la matière sonore est ici beaucoup plus dense et généreuse que dans mes pièces précédentes. Je ne suis pas sûr que cela change vraiment le discours musical, fondé sur des emboîtements et sur ce qu'engendrent leurs articulations. Ainsi, comme pour le roulement de timbale, certaines petites séquences sont ré-énoncées ici ou là, de simples oeillades, déclics ou balises pour l'oreille, qui, placées à rebours dans différents contextes, obligent à de véritables "micmacs" : trafics minuscules, dérangements ou simples incongruités fortuites ? Je dois au regretté Franco Donatoni cette attention première à la matière musicale, mais, dans cette pièce, j'entrevois la possibilité d'une plus grande spontanéité dans mon travail. L'articulation distanciée de ces figures m'a conduit à repenser la façon dont je traitais habituellement le matériau préalable.
A l'évidence, il y a dans tout discours avec la forme ce que l'on veut imposer à la matière musicale et ce que la matière musicale nous impose. (...)
D'autre part, en écrivant pour l'Ensemble intercontemporain, je voulais "faire jouer" la force des contrastes, mettre en présence des plans sonores très différenciés, avec, en fond (comme on parle de fond en peinture), quelques strates harmoniques sous-jacentes.
Pour finir, ce que Shakespeare fait dire à Prospero dans l'épilogue de La Tempête conviendrait ici assez bien :
Tous mes charmes sont abolis Et voici que j'en suis réduit A mon seul pouvoir, combien pauvre. Serais-je ici captif du votre Ou renvoyé dans mon pays ?
(...) Non pas: Vous m'allez libérer De vos bonnes mains secourables En exhalant un souffle aimable Qui viennent mes voiles gonflées. Sans quoi, c'est que j'aurai manqué Mon but : lequel était de plaire.
(...)
Jean-Marc Singier,
propos recueillis par Damien Pousset
Date de sortie : 01/01/2001