C'est au compositeur américain John Cage que l'on doit la notion de préparation d'un instrument. Il avait introduit des éléments métalliques, des gommes, des crayons... dans les cordes d'un piano, au départ pour simuler des instruments de percussion, lors d'un spectacle de danse. La préparation de la guitare est ici minimale: il s'agit simplement de glisser entre les cordes une bande de papie./...
C'est au compositeur américain John Cage que l'on doit la notion de préparation d'un instrument. Il avait introduit des éléments métalliques, des gommes, des crayons... dans les cordes d'un piano, au départ pour simuler des instruments de percussion, lors d'un spectacle de danse. La préparation de la guitare est ici minimale: il s'agit simplement de glisser entre les cordes une bande de papier épais (approximativement 200g/m2), d'environ une vingtaine de centimètres de longueur, et de la largeur du manche (soit 210mm sur 65mm). La manière dont on place cette bande et l'endroit où elle est située sont précisés au début de chaque pièce par un petit schéma présentant le manche de la guitare vu de face. Cette modification a évidemment des effets importants sur le timbre. Dans la première pièce, l'effet est celui de ce qu'on appelle, justement, le timbre sur une caisse claire. Ce sont des ressorts qui viennent vibrer à la surface de la peau de l'instrument en émettant un son métallique caractéristique. Le principe de modifier le son en ajoutant des éléments qui provoquent des vibrations parasites est très ancien. C'est ce qu'on appelle les mirlitons ou les bruiteurs. Pour un guitariste, ces frisures sont des défauts qu'il travaille à éliminer. Mais certaines cultures ne connaissent pas notre goût du son pur, et l'intérêt n'est pas tant, pour les musiciens de ces cultures, la hauteur, que les caractéristiques du timbre. Dans la troisième pièce, le dispositif rappelle les senza ou pianos à pouces connus dans presque toute l'Afrique. Le guitariste pourra simuler facilement l'atmosphère si particulière de ces instruments en improvisant sur la guitare ainsi préparée. C'est toutefois dans notre civilisation qu'on trouve un équivalent des sonorités que permet la préparation de la deuxième pièce. En effet, la qualité étouffée des sons confère à l'instrument une étrange magie. C'est la même technique qui permet d'obtenir sur le clavecin le jeu dit de luth ou luthé. De petits morceaux de feutre viennent en effet étouffer la corde à l'une de ses extrémités. La quatrième pièce est un trio où chaque guitare utilise la préparation d'un des morceaux précédents. Cette pièce mélange des textures et des rythmes assez différents, dans une forme qui évoque la végétation à la fois arbitraire et composée des garrigues caillouteuses de Lozère. Cette pièce est dédiée à la mémoire du compositeur français Julien Copeaux. (Jean-Marc Chouvel) --- Nombre de pages : 16 --- Date de parution : 27/01/2005