Une semaine avant de partir à Oslo, le concert semblait compromis. L'un des musiciens de Court-circuit était souffrant et nous devions jouer Vortex temporum qui, avec ses quarante minutes et sa virtuosité instrumentale, nous apparaissait comme l'une des pièces les plus difficiles de Gérard Grisey. On peut imaginer l'inquiétude du compositeur qui ne voyait pas de solution possible. Pourtant le./...
Une semaine avant de partir à Oslo, le concert semblait compromis. L'un des musiciens de Court-circuit était souffrant et nous devions jouer Vortex temporum qui, avec ses quarante minutes et sa virtuosité instrumentale, nous apparaissait comme l'une des pièces les plus difficiles de Gérard Grisey. On peut imaginer l'inquiétude du compositeur qui ne voyait pas de solution possible. Pourtant le miracle arriva. Dès la seconde répétition, le jeune musicien que l'on recruta ne fit qu'une bouchée de cette musique pourtant si délicate et semée d'embûches. Une semaine après, nous nous envolions pour la Norvège. Passage par le duty-free - malgré son apparente austérité, Gérard ne manquait jamais ce plaisir de dépenser -, arrivée à l'aéroport, trop long trajet en bus et répétition avec le jeune compositeur norvégien Knut Vaage tout ému d'écouter enfin les premières notes de sa nouvelle pièce que seuls les musiciens avaient pu entendre à Paris. Drôle de répétition. Souffrant moi aussi, je suis enfoncé dans le fauteuil, assommé par les médicaments et mon esprit critique est fortement affaibli - j'attendrai la générale pour porter un avis. Après l'inévitable repas de poisson et une nuit de toux, ma forme n'est guère meilleure pour affronter la générale du lendemain. Heureusement, les musiciens joueront mon Pour Luigi qu'ils connaissent parfaitement et j'interviendrai peu. Enfin, nous entamons Vortex temporum, le plat de résistance du programme. Par deux fois, Gérard se retourne en tirant le bout de la langue sur le côté de la bouche, signe habituel de son étonnement ou de son contentement. Il prend'un plaisir évident à l'écoute de la version que nous lui proposons. Ma petite crève s'en trouve momentanément guérie et je sors rapidement de ma torpeur tant la musique est belle et nouvelle. Toutes les recherches de Gérard se trouvent là, à la fois concentrées et libérées de toute théorie apparente. C'est sans nul doute une pièce importante dont la première écoute live - je ne connaissais que la partition et une magnifique version discographique de l'ensemble Recherche - me donne un coup de fouet dont je sens encore la force aujourd'hui. Le soir, le concert est encore meilleur que la générale - les musiciens et Pierre-André Valade qui les dirige ont mangé du lion - et à cette seconde audition, tout me semble clair et évident. Le matériau est inouï et hétérogène mais la forme, moins linéaire que dans ses pièces précédentes, est aisément repérable: répétitions et réexposition de motifs, brusques cassures de processus dont il ne reste par instant que des bribes, invention rythmique et harmonique plus fortes que jamais - passionné par la musique pygmée ou celle des Iles Salomon, Grisey a, comme Ligeti, revisité les contrées les plus lointaines - écriture en micro-intervalles étonnante et si omniprésente que les instrumentistes n'échappent pas aux quarts de ton dans les sections les plus virtuoses. Pourtant, en écoutant cette oeuvre d'une audace et d'une maîtrise surprenantes, et ce, malgré la concentration dans laquelle je me trouvais, une pensée ne cessait de me poursuivre. . Enregistrement: 1 CD aeon, AE0105, Flash-Back ...à mesure - Flash-Back - Tombeau - Pour Luigi Ensemble Court-Circuit, P.-A. Valade, Orchestre de Paris, B. Kontarsky, J. Geoffroy, J.-M. Cottet --- Nombre de pages : 31 + 7 --- Date de parution : 01/01/1999